L’on savait que le tort tue. Mais savait-on que le tort tisse ? En empruntant le chemin qui part du petit hameau du Pra, sur le route qui mène au col de la Bonette, on se trouve condamné à le constater. Doucement, au rythme lent d’une écriture qui commencerait non par le B.A.BA mais par le Z à Z, l’ascension se déroule comme un fil au rouet, découvrant un nouveau paysage au détour de chaque lacet, en une promenade bienveillante vers des hauteurs magnanimes. Aux cabanes forestières de Tortisse, on voit alors à l’oeuvre et le temps et la puissance immobile des forces telluriques. Faut-il qu’il y ait eu, en une époque aujourd’hui révolue, un demi-dieu imprudent, ayant commis quelque tort impardonnable, que ses pairs auront puni en le condamnant à tisser un écheveau de pierre ? Face au spectacle immense, on se prend à croire que la mythologie n’est rien de plus qu’un point de vue de géologue… Plus loin, une fois le vallon de Tortisse passé, on découvre l’écrin des lacs de Vens et voici que tout ce que l’on a pu imaginer, une heure auparavant, se trouve confirmé. Il n’y a de beauté, en ce monde, que pour nous permettre de la contempler.